Notre groupe de recherche s’intréresse aux mousses liquides, aux interfaces et aux films de savons depuis plus d’une décennie. Nous étudions en particulier la stabilité mécanique de films minces de liquides, de films granulaires et des gas marbles. Nous nous penchons également sur la rhéologie, le mûrissement et la stabilité de liquides bulleux simples ou de fluides complexes aérés ; sur la production et la mise en forme d’enduits et de revêtements moussés et de matériaux de constructions moussés

Bubbly yield-stress fluid

Stabilité de fluides à seuil aérés

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Cement foam

Matériaux de construction moussés

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Mûrissement de mousses liquides

O. Pitois, N. Galvani (PhD)
Collaborations : S. Cohen-Addad, R. Höhler (INSP), D. Langevin, E. Rio, A. Salonen (LPS), D. J. Durian (U. Pennsylvania), S. Vincent-Bonnieu (ESA)

Dans les mousses liquides, on appelle mûrissement la diffusion du gaz contenu dans les bulles à travers le liquide qui les sépare, conduisant à une diminution de leur nombre et une augmentation de leur taille moyenne. Alors que beaucoup d’applications mettent en jeu des mousses dites « humides », c’est-à-dire avec une fraction volumique de liquide supérieure à 20%, ces mousses n’ont été que très peu étudiées du fait de leur instabilité face au drainage induit par les forces de gravité.  Nous avons rejoint le consortium européen piloté par Dominique Langevin dans le cadre d’un contrat MAP (Hydrodynamics of wet foams) avec l’Agence Spatiale Européenne, pour étudier le murissement de mousse liquide à bord de la Station Spatiale Internationale. Les premières expériences menées en 2020 ont permis de déterminer la loi de croissance des bulles pour des valeurs de fraction liquide couvrant la gamme des mousses humides jusqu’aux liquides bulleux (50%) [Galvani2023]. Nous avons observé un changement de régime de croissance, décrit par un exposant ½ du temps pour les plus petites fractions en liquide puis par un exposant 1/3 pour les plus grandes fractions. Un de nos résultats majeurs est que la valeur de la fraction pour laquelle le changement de régime intervient (0.39) est nettement supérieure à la valeur qui correspond au Random Close Packing (RCP) des bulles (0.31). Nous avons montré que cet écart est dû à de faibles forces d’adhésion qui maintiennent l’aire moyenne des contacts entre bulles à une valeur non nulle au-delà du RCP . Un deuxième résultat majeur est la mise en évidence d’un large excès de petites bulles (que nous avons baptisées « roaming bubbles ») dans la distribution des tailles, comparée aux distributions théoriques. Nous avons montré que ces bulles ont perdu leurs contacts avec les autres bulles de la mousse et voient leur taille diminuer beaucoup plus lentement. La présence de ces « roaming bubbles » avait été totalement ignorée jusqu’alors.

Crédits : ENPC, Ingenius

Références

Films granulaires et gas marbles

F. Rouyer, Y. Khidas, P. Gauthier (PhD)
Collaboration : A. Seguin, G. Gauthier (FAST)

Les applications des systèmes présentant des interfaces liquides tapissées de grains solides sont importantes et multiples : réduction de consommation de surfactant, renforcement de bulles par des particules solides dans des matériaux de construction aérés, flottation ou encapsulation pour des procédés de dépollution.

Le projet ANR PhyGaMa (2020-2024, en collaboration avec le laboratoire Fast) s’est consacré à l’étude de la physique d’un objet nouveau, découvert au laboratoire, que l’on peut décrire comme une poche de gaz délimitée par une enveloppe formée de liquide et de particules solides de quelques dizaines de microns. Dans cet assemblage le liquide est en légère dépression, ce qui confère aux grains une cohésion capillaire associée à une résistance mécanique inattendue pour cet objet que nous avons baptisé gas marble, en référence aux liquid marbles étudiées une dizaine d’années plus tôt.

Anatomie d’une gas marble, et géométrie des films liquides à sa surface

Afin d’étudier l’effet de cohésion de l’enveloppe, nous avons mis au point un dispositif expérimental permettant le contrôle de la pression de ce liquide. Nous avons montré que la dépression capillaire du liquide détermine par exemple la réponse de l’enveloppe lorsqu’on la perce : en dessous d’une valeur critique de dépression, on observe l’éclatement total de l’enveloppe, un peu comme un simple film de savon ; toutefois, la dynamique d’ouverture est bien plus lente que celle qui caractérise ces films (Taylor-Culick). Pour des valeurs de dépression liquide plus importantes, l’enveloppe a un comportement de type solide et le trou percé n’évolue pas. Entre le régime liquide et le régime solide il existe un régime d’ouverture dit « intermittent ». Des simulations numériques réalisées avec le logiciel libre Surface  Evolver ont permis de montrer que le critère de rupture de « Mohr-Coulomb cohésif », propre aux empilements granulaires, permet de rendre compte de la transition observée, ce qui apporte un éclairage nouveau sur la résistance mécanique des gas marbles.

Ouverture intermittente d’un film granulaire pour une dépression du liquide du film granulaire ΔP ≅ – 100 Pa

References

Stabilité de fluides à seuil moussés

O. Pitois, B. Saint-Michel, N. Galvani (PhD)
Collaboration : S. Cohen-Addad (INSP)

[En construction]

Références

Matériaux de construction moussés

O. Pitois, V. Langlois, A. Kaddami (PhD), M. Ceccaldi (PhD)
Collaborations : M. Guéguen (CPDM), Y. Péchaud (LGE)

Mousses de ciment

Les mousses de ciment présentent des avantages par rapport au béton standard compte tenu de sa faible densité — et donc de sa faible consommation de matières premières, et donc de son empreinte carbone — et de ses bonnes performances en isolation thermique et acoustique. Pour mieux comprendre comment la morphologie du ciment affecte ses propriétés, nous avons produit des échantillons solides à structure contrôlée. Pour cela, nous avons relevé les défis de :

  1. Formuler un ciment frais avec une structure contrôlée : cela passe par une bonne compréhension de l’interaction entre les surfactants nécessaires au moussage et la pâte de ciment. Certains surfactants ne peuvent pas stabiliser la mousse en milieu très alcalin. D’autres, notamment les tensioactifs anioniques, s’adsorbent à la surface des grains de ciment et modifie leurs interactions : elles affectent donc à terme le seuil en écoulement de la pâte de ciment. À faible concentration en tensioactif, les grains de ciment deviennent hydrophobes et induisent des interactions attractives entre les grains de ciment : le seuil en écoulement augmente alors. En revanche, aux concentrations élevées, les micelles adsorbées aux grains induisent une répulsion stérique et font chuter le seuil en écoulement de ces pâtes. Nous nous sommes intéressés ensuite à la tenue de ces formulations de ciments frais, pour un contenu en air de 83%. Pour chaque série de données, nous avons modifié le seuil en écoulement de la pâte de ciment via l’ajout de superplastifiants ou de tensioactifs anioniques en grandes quantités. De manière surprenante, les formulations les plus stables correspondent aux seuils les plus faibles. Des mesures fines de rhéologie nous ont alors montré que cette stabilité pouvait s’expliquer par une réorganisation des grains de ciment vers des arrangements plus denses.
  2. Conserver cette structure lors de la prise du ciment. Cette partie a été étudiée durant la thèse de Blandine Feneuil (2015-2018). Nous avons alors étudié l’influence de la taille des bulles, du rapport eau/ciment et du contenu en surfactant. Nous en avons tiré un critère de stabilité à partir de la taille des bulles et du seuil en écoulement de la pâte interstitielle de ciment.

Mousses de géopolymères

Les mousses de géopolymères sont des matériaux prometteurs car ils combinent une grande efficacité en termes d’isolation, une bonne résistance au feu et aux sollicitations mécaniques, tout en restant légers et à faible impact environnemental. Le contrôle de la taille des pores dans ces milieux reste un défi à cause du vieillissement de la mousse qui précède la prise du ciment. Lors de la thèse de doctorat d’Asmaa Kaddami (2016-2019), nous avons souligné une approche physique pour limiter les phénomènes de vieillissement dans les mousses fraîches de géopolymères et pour conserver la morphologie des pores qui ont été initialement formés en mixant une suspension de métakaolin avec un précurseur de mousse aqueuse. Plus précisément, il a été montré que l’arrêt du mûrissement est possible lorsque la concentration en particules dans la phase continue dépasse une valeur critique qui dépend de la taille des bulles et de la fraction volumique en gaz. Nous avons expliqué ce phénomène dans le cadre de la transition de jamming intervenant dans la suspension de métakaolin lorsque celle-ci est confinée dans le réseau de la mousse, et qui lui confère une élasticité mécanique finie contre le mouvement des bulles. Ce résultat très général permet de maîtriser la morphologie de nombreuses classes de mousses de géopolymères d’intérêt industriel.

Mousses bio-calcifiantes

Le travail de thèse M. Ceccaldi a porté sur la formulation de mousse liquide bactérienne bio-calcifiante, qui constitue une innovation pour le procédé de Précipitation de Carbonate de Calcium (CaCO3) Induite Microbiologiquement (MICP). Les formulations lauréates sont basées sur la bactérie Sporosarcina pasteurii et certains tensioactifs de la famille des APG (Alkyl Poly Glucosides) comportant deux motifs glucose (maltosides). Nous avons montré que l’application d’une telle mousse dans un empilement de grains permet effectivement la précipitation de CaCO3 au niveau des contacts entre grains tout en laissant libre la porosité du milieu. La performance mécanique de ce potentiel nouveau procédé, que l’on peut baptiser « FoamMICP », reste à évaluer selon tous ses aspects.

(En haut) : dispositif de bio-calcification d’un empilement de grains. On y fait passer une mousse bio-calcifiante chargée en bactéries. (En bas) : Formation de calcaire entre paires de particules après 4 traitements bio-calcifiants.

Références