Les travaux de recherche de l’équipe se concentrent sur la conception de méthodes de calcul innovantes adaptées aux calculs structurels en génie civil, avec un accent particulier sur l’analyse de la ruine de celles-ci. Ces développements incluent des techniques avancées d’analyse limite numérique, de mécanique de l’endommagement et de la fissuration, et de modélisation de matériaux et de systèmes structurels complexes.

Méthodes numériques pour l’analyse limite et le calcul à la rupture

Jérémy Bleyer, Ghazi Hassen (ME)
Coll.: Vincent Leclère (Cermics)

L’analyse limite et le calcul à la rupture permettent d’estimer directement la charge ultime qu’une structure peut supporter, en se basant sur les propriétés de résistance du matériau. Ces méthodes fournissent des bornes inférieure et supérieure pour la capacité portante, dérivées de principes variationnels en contraintes et en déplacements. Cependant, leur mise en œuvre numérique est complexe en raison des problèmes d’optimisation convexe à grande échelle, non réguliers, qu’elles génèrent. Ces problèmes apparentiennent à la classe des problèmes de programmation conique, pour laquelle des solveurs spécialisés, tels que ceux utilisant des algorithmes de points intérieurs, ont été développés.

Nous développons des modèles d’éléments finis pour divers types de structures, y compris les milieux continus, les poutres, les plaques et les coques. Ces modèles sont implémentés à l’aide de la bibliothèque d’éléments finis FEniCS, combinée au solveur de programmation conique Mosek. L’automatisation de ces processus est intégrée dans le package open-source dolfinx_optim. Plus récemment, nous travaillons à l’extension de ces théories aux cas incertains/stochastiques en utilisant les théories de l’optimisation robuste et stochastique.

Références

Applications aux structures de génie civil

Jérémy Bleyer, Patrick de Buhan (ME), Karam Sab, Hugues Vincent (PhD), Chadi El Boustani (PhD), Sabine Boulvard (PhD)
Coll.: Mathieu Arquier (Strains), Duc Toan Pham (CSTB)

Cette approche de conception innovante permet une estimation précise des marges de sécurité structurelles et des mécanismes de rupture associés, même dans des scénarios complexes tels que :

  • Poutres, colonnes, plaques ou coques composites
  • Matériaux renforcés avec des inclusions linéaires (par exemple, béton armé, sols renforcés)
  • Structures en maçonnerie
  • Assemblages en acier complexes
  • Structures massives en béton armé

Les applications récentes incluent l’analyse de structures tridimensionnelles en acier et en béton armé, réalisée en collaboration avec le bureau d’études STRAINS. Des recherches doctorales, en partenariat avec le CSTB, ont exploré des méthodes analytiques simplifiées ainsi que des approches d’analyse limite numérique plus sophistiquées pour évaluer la capacité portante des structures en béton armé en conditions d’incendie, pour lesquelles les pratiques d’ingénierie actuelles manquent de formules de conception précises.

Mécanismes de rupture obtenus par calcul à la rupture : semelle circulaire en béton armé (à gauche) ; assemblage en acier boulonné (au centre) ; modèle d’abbaye en pierre (à droite).

Références

Fissuration et endommagement des structures hétérogènes

Jérémy Bleyer, Arthur Lebée, Karam Sab, Jean-Michel Scherer (PostDoc), Paul Bouteiller (PhD), Zakaria Chafia (PhD), Gaspard Blondet (PhD), Giulia d’Orio (PhD)
Coll.: Fabrice Congourdeau (Dassault Aviation), Julien Yvonnet (UGE), François Voldoire (EDF)

Notre équipe a également développé une expertise dans la simulation des endommagement des matériaux et structures, en particulier dans les structures hétérogènes. Pour les matériaux renforcés de fibres ou les plaques composites multicouches, par exemple, nous utilisons des modèles généralisés qui décrivent la cinématique de chaque phase ou couche de manière indépendante. Grâce à des procédures d’homogénéisation adaptées, nous pouvons développer des modèles qui couplent différents mécanismes de rupture, tels que la fissuration de la matrice et le délaminage.

La modélisation de la rupture fragile dans les milieux continus est particulièrement difficile en raison du caractère mal posé du problème. Pour y remédier, les modèles à champ de phase ou à gradient d’endommagement figurent parmi les méthodes de régularisation les plus efficaces. Nous appliquons ces modèles à des matériaux anisotropes, en utilisant plusieurs champs de phase pour différencier les modes de rupture (par exemple, la fissuration transversale ou de la matrice).

Une application notable de cette approche est notre partenariat avec Dassault Aviation, où ces modèles ont été appliqués aux laminés composites pour tenir compte du décollement inter-couches et des endommagements intra-couches. Nous étendons actuellement cette méthodologie pour simuler la rupture dans des plaques multicouches en bois, telles que le bois lamellé-croisé (CLT), qui gagne en popularité dans les bâtiments en bois de grande hauteur. À ce jour, aucun modèle ne parvient à capturer de manière adéquate l’interaction entre les différents mécanismes de rupture dans le CLT, y compris la rupture par cisaillement roulant, le fendage en traction, et le décollement des plis. Nos développements en cours aboutiront à des modèles numériques avancés, essentiels pour optimiser les structures en CLT et potentiellement réduire la consommation de bois.

Nous explorons également actuellement des stratégies multi-échelles pour l’homogénéisation des évolutions de l’endommagement dans les structures hétérogènes, en collaboration avec Julien Yvonnet (UGE) d’une part et EDF d’autre part en ce qui concerne les structures en béton armé sous charges cycliques.

Fissuration dynamique en 3D avec champ de phase (à gauche) ; Multi-fissuration de la matrice (en rouge) et décollement interfacial fibre/matrice (en bleu) dans un matériau renforcé de fibres (à droite).

References